DE TRIN CINEMA à BROKEN ( 2003-2006 )
LE COMMENCEMENTL’IDEE des "Etoiles d'Août est née au début de l'année 2003, et s'inscrivait dans le cadre des activités de Trin Cinéma, jeune association formée à la suite de la réalisation de deux courts métrages. A la base, le projet remplissait trente pages de script, et sa seule ambition était de " créer " une expérience cinématographique à part entière, à savoir raconter l'histoire d'un sourd, en prenant comme parti pris d'illustrer complètement son imaginaire sonore. Le son ne serait alors jamais direct, et entièrement recréé en post production. Cette perspective est devenu l'intérêt n°1 de ce projet, et toute l'équipe Trin Cinéma s'est associée pour donner vie à un film qui, même s'il garantissait une étape supplémentaire franchie dans le processus d'évolution de l'asso, n'en restait pas moins extrêmement difficile à réaliser.
Car Trin Cinéma était à l'époque une association à peine formée, et jusqu'au mois d'août 2003, après quatre versions de script différentes, il fut périlleux de réunir l'équipe toute entière. Ce qui a motivé sa réunion ne fut en aucun cas le script lui même, ou l'idée d'un film abouti, car personne à part le réalisateur ne pouvait entrevoir ce que donnerait un hypothétique résultat final. Mais tout le monde a cru au projet, et surtout en la possibilité de faire quelque chose ensemble. Car tous les membres de Trin Cinéma se connaissaient déjà (ou presque), et tous avaient leurs talents propres qu'il n'avaient que rarement exploités en association avec les autres. Un film de potes ? Si on veut, car l'odyssée qu'ils allaient vivre ensemble pendant quinze jours promettait d'être riche, autant d'un point de vue professionnel que relationnel.
L'AVENTURE COMMENCEPERSONNE ne pouvait s'attendre à alchimie plus parfaite. Tous les membres de Trin Cinéma avaient auparavant leur expérience propre des tournages, de la technique, ou du cinéma en général. Chacun eut sa propre façon d'aborder l'aventure. Presque trente heures de rushes furent tournés en seulement quinze jours, dans les décors les plus magnifiques et extrêmes du Périgord Noir : falaises, rivières, grottes ... A petit budget, tournage léger : caméra DV, éclairages légers ... Ce qui n'empêche pas la dureté et la complexité du tournage, qui requiert les lieux exacts décrits dans le scénario. Lorsqu'il faut filmer une grotte, pas de budget pour la recréer en studio. L'équipe descend à quinze mètres sous terre, rampe dans des boyaux et des cavités, descend le matériel à bout de bras dans des puits ; bref, une aventure plus corsée et plus physique qu'on pouvait s'y attendre. Au bout de quinze jours, tout est en boîte. L'équipe se sépare sans se dire adieu. Déjà d'autres idées de film sont en route.
UN FILM RATE ?AU bout de trois mois, un premier montage visuel est fait. Il reste encore toute la post prod sonore à effectuer, ce qui semble être quasiment impossible, puisque les musiciens de Sos Prod (jeune production locale qui dirige la musique du film) n'ont pas le temps ni le matériel requis pour donner un résultat satisfaisant. Et pour combien de temps ? Le film devait durer trente minutes, il en fait 72 !Mais ce n'est pas le son le plus gros handicap. Le noyau de Trin Cinéma se réunit pour plusieurs projections privées, en présence d'amis ou de professionnels. Les images sont plus que satisfaisantes. Le travail effectué en Août est visible sur l'écran, et il n'est pas question d'y toucher. Non, le principal souci vient du scénario lui même. Scène après scène, on peut parvenir à repérer toutes les " envies " qui ont conduit à la mise en chantier du film : envies de lieux, envies de personnages, envies de mystère, envie d'action ... Mais rien ne semble vraiment cohérent, et les spectateurs extérieurs à l'équipe ne comprennent carrément rien à l'objet filmique. Et oui ... il manquait une VRAIE histoire. Le film est raté, donc. C'est un fait. Le noyau dur de Trin Cinéma se réunit de temps à autre pour chercher des solutions. Finalement, le réalisateur proposera un choix lourd de conséquences : réécrire un scénario à partir des images présentes, sachant qu'il y aura forcément des scènes à couper et ... des scènes à retourner.
LE DEFILE pari est lancé : deux sessions de tournage supplémentaires seront prévues. Une en hiver, pour le mois de Mars 2004, et une en été, pour le mois d'Août 2004. Au départ, l'idée de prolonger l'aventure emballe les trois quarts de l'équipe. Mais personne n'imagine la lourdeur de l'entreprise. Car les scènes prévues n'ont rien à voir avec le parcours déjà fait. La session de Mars comptera une scène d'action difficile à maîtriser, comportant des effets pyrotechniques et de maquillage et une condition physique solide pour les acteurs et la technique. Autre difficulté technique, ces scènes devront être impeccablement sonorisées. Parti pris d'une nouvelle version du scénario, un prologue ouvrira l'histoire et s'opposera à sa forme narrative, puisqu'il sera sonorisé normalement, conséquence directe de l'absence du personnage principal sourd dans ce début de film. Il faut donc trouver des ingénieurs du son au plus vite. Une semaine avant le premier tour de manivelle, deux jeunes ingé son débarquent de Nantes pour rejoindre l'équipe. La session du mois de Mars est un nouveau pari gagné. Six heures de rushes supplémentaires sont tournées, les ingénieurs du son se sont bien intégrés à l'équipe, ainsi que plusieurs nouveaux venus qui feront beaucoup plus que ce à quoi ils s'attendaient.
Le rendez vous suivant est lancé. Puisque la session du mois de Mars s'est plus que bien passée, il n'y a pas de raison d'échec pour le mois d'août. Tout le monde se donne donc rendez vous, pour des scènes complémentaires au prologue, mais aussi et surtout pour une véritable fin, qui promet déjà d'être un défi technique inédit pour l'équipe.
LE TROU NOIR LES images du mois de Mars ne seront pas montées avant le montage final et définitif. Ce qui n'empêche pas le scénario d'être revu et corrigé. Jusqu'à mettre une des failles narratives en évidence, une faille qui ne peut être corrigé par les scènes supplémentaires en partie tournée. Encore des changements, à revoir. C'est comme si toute la maison était construite une seconde fois, et qu'il faille encore revoir les fondations ! Ecrire un scénario est un exercice long et difficile, mais lorsque les trois quarts du film sont tournés ... L'exercice s'avère alors être plus un apprentissage qu'un simple défi, car les failles restantes du script mettent en évidence une seule erreur : celle de n'avoir pas choisi clairement un véritable sujet. Le noyau dur de Trin Cinéma se réunit à nouveau. On discute, on s'engueule, on perd espoir. Car cela fait maintenant un an que l'idée du film a été lancée, et que l’aventure en a dépassé plus d’un. Plus de dix versions du script auront été écrites entre les deux sessions de tournage supplémentaires. A la fin du mois de Juin 2004, plusieurs versions contradictoires du scénario ont été livrées à l'ensemble de l'équipe. Personne n'y croit plus, tout le monde se démotive. Car avant de revivre une aventure plaisante certes, mais lourde à porter ; il faut savoir pourquoi on le fait.
Aucune version du scénario n'est jugée satisfaisante par leurs auteurs et par l'équipe. Le creux de la vague s’entame copieusement.
La période Mars - Juillet 2004 aura été un véritable trou noir pour le film, qui manqua de peu de mourir complètement. Les comptes sont fait : à peu près soixante dix mille francs ont été déboursés. Ce n'est rien pour un film en passe de devenir un long métrage, mais c'est énorme pour les jeunes adhérents de l'association, la plupart tous encore étudiants ou sans emploi. Il faut rappeler qu'aucune subvention n'a été accordée au projet, qu'aucun parrainage n'a été effectué. Trin Cinéma est seule à assumer tout le poids financier du film. En plus d'être bénévole, chaque membre de l'équipe, des techniciens aux acteurs, finissent par devenir créditeurs. Le monde à l’envers ! Voilà pourquoi quinze jours avant le mois d'août, il faut motiver absolument tout le monde. Parce que le noyau dur de Trin Cinéma ne veut pas abandonner le film. Parce que selon l'auteur, tout est encore possible scénaristiquement si on tourne une fin solide et cohérente. Tout le monde garde alors à l'esprit qu'il s'agit de la dernière session, de la dernière ligne droite avant la fin d'une aventure qui commence à enfermer ses protagonistes dans ses fils. Un film qui DOIT se finir.
DERNIER SPRINTLORSQUE le tournage de cette dernière session commence, et avec les ambitions qu'il contient, il est évident pour tous que rien n'a suffisamment été préparé. Tout ce qui réussissait un an plus tôt avec la même équipe s'est subitement mis à foirer, des plus petits détails, aux plus gros soucis. Il a fallu trouver des solutions pour tout, et même lorsque les questions elles mêmes s'étaient perdues. Le budget s'est également mis à grimper, car il a fallu changer de caméra en cours de tournage. A ceci se sont ajoutés d'autres contraintes techniques. Le tournage, qui ne dura qu'une semaine, se termina par un week end infernal. Le samedi fut carrément improductif, à cause d'un bête problème de prothèse capillaire au maquillage. Mais c'est précisément ce jour là qu'on tourne le moment le plus important du film : la fin. Le Dimanche, il a fallu donc faire en une journée ce qui aurait dû être fait en deux jours, et pour tous, la prolongation du tournage était impossible.
Après dix huit heures non stop passées au fond d'une grotte à quinze mètres sous terre, avec deux claustrophobes sur le point de craquer, avec un groupe électrogène qui lâche, avec des tensions et des clash au sein du groupe ; on peut finalement dire que les images auront été laborieusement arrachées. Trente cinq plans auront été tournés ce jour là, avec à chaque heure passée la conviction que l'échec est proche. Le pétage de plombs aura eu lieu à la sortie de la grotte, vers deux heures du matin.
Il était temps : Le tournage est terminé.
Mais la post prod ne cesse d'être repoussée. Cette fois, il faut déléguer le maximum de tâches, puisqu'un boulot colossal s'annonce : il faut monter presque 1000 plans pour une heure et demie de film, sonoriser des scènes à partir de rien, recréer une bande sonore subjective totale, et écrire la musique en fonction de cet univers sonore. Sans compter l'étalonnage et les effets numériques.
LA ROUTE SE POURSUIT ...Après moult monteurs potentiels, quelques plannings hasardeux pensés sur la comète ; l’année 2005 se termine sans que rien n’ait été fait pour le film. Cette année là, tous les membres de Trin Cinema (ou presque) se séparent pour continuer leur route, seuls. L’asso splitte correctement. Certains acteurs ne savent même pas si le film sortira un jour. Jusqu’au réalisateur lui-même, qui ne sait plus quoi faire, désemparé.
Et voilà qu’un beau jour de l’hiver 2006, la Broken Team découvre les Etoiles et s’engage pour une post prod qui s’annonce aussi corsée que le tournage. Mais c’est ce qui manquait au film. Après avoir épuisé les membres de l’équipe de tournage, poussé les acteurs dans leurs derniers retranchements ; il fallait du sang neuf pour « Les Etoiles d’Août ». Qui dit sang neuf dit plutôt regard neuf, ce qui est le plus important, puisque après vingt cinq versions de scénarios, il va falloir porter un regard très critique sur la teneur narrative du montage, et appliquer une cohérence narrative extrême à tous les stades de post prod. Si le tournage du film a débuté en 2003 alors qu’il n’y avait pas de sujet et presque aucune histoire, c’est totalement l’inverse aujourd’hui. Il y a un sujet clair et une histoire verrouillée, et il faut désormais composer avec les images qu’on a et celles … qu’on a pas.
Car c’est loin d’être fini. Une première version de montage doit être bouclée pour la rentrée scolaire 2006. Après quoi, trois équipes devront se partager l’énnooooorme boulot du son (bruitages, création pure, et post synchro). Parallèlement, l’étalonnage colossal qui s’annonce pourra commencer. Pendant ce temps là, il ne faudra pas oublier de tourner les plans complémentaires manquant au montage final (certains susurrent déjà la possibilité de retourner des pans de scènes entiers, mais je n’ose pas y croire …). Ensuite, la musique pourra être enregistrée et le mixage final en 5.1 achevé.
Tout ça pour dire que, grâce à Trin Cinema, asso qui est morte pendant la délitation du film ; et grâce à Broken, asso plus vivante que jamais ; « les Etoiles » pourront voir le jour en … mars 2007, au mieux.
Soit pas moins de quatre ans après le début de la prépa du film. Qui dit pire ?
(post réalisé à partir d'extraits du dossier de presse du film)